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  • Photo du rédacteurRaymonde

L'aventure sans l'aventure #1 - Les Requins

L’homme croit, l’homme joue, et, paradoxalement, l’homme croit qu’il ne joue pas et qu’il vit "une aventure".


Le monde est plein d’hommes et de femmes qui souffrent réellement et d’hommes et de femmes qui voudraient bien savoir ce que ça fait de souffrir réellement. Simple jalousie ou ennui profond, ces derniers m’intéressent. Ils en ont faim, ils en ont soif. La mort possible étant introuvable au quotidien, ils vont la chercher ailleurs.


Un reportage dans la télé de mon ami Rose montrait, en Polynésie française, un jeune blond faisant visiter les récifs de corail pétris de requins-citrons à des touristes. Ce n’est pas le premier reportage de ce type que je vois dans votre télévision, non. De plus en plus de touristes désirent plonger avec les requins de toutes sortes, selon la spécialité du pays.


Le bateau s’en va au large, moteur à fond. Appâtés par des têtes de thon coincées dans un panier jeté par l'homme blond, les dits requins approchent, voient des hommes palmés les regarder et la plupart du temps s’en retournent. Pas intéressant. Des accidents surviennent parfois car les requins ont faim. Ils assimilent le bruit du moteur puis les têtes de thon et enfin les hommes à un bon repas. Ils s’habituent à votre goût. Comment les-en blâmer ?


Interview. Le jeune blond parlait de "rencontre" avec les requins. Je me suis étonné. Les requins, eux, ont-ils rencontré ce jeune blond ?


J’en viens à mon fait. Pourquoi les hommes ne vont-ils pas observer les mérous ou même les dauphins, ces tendres mammifères si doux ? Pourquoi les requins sont-ils les héros de vos chaînes animalières autant que de vos voyages ? Le blond avait beau expliquer que les requins sont des "présences" à redécouvrir, à protéger, mauvais dans le seul cas où on les attaque, inoffensifs et paisibles quand on les respecte, son business ne marche que parce que les requins sont "les dents de la mer", et il le sait. Le requin est la quintessence de l’animalité au sens où vous entendez ce mot : imprévisible, sauvage, sans pitié.


Vous ne faites pas d’expédition pour approcher les orques. Non, l’orque est un gentil, avec sa tête de bon bougre (alors qu’il est au moins aussi "sanguinaire" que le requin). La figure du requin, en revanche, est un spectacle effrayant, caricature du mal : sa gueule aiguisée et hideuse montre à qui veut bien les voir un panel atroce de dents pointues, mais c’est surtout son regard avec ses yeux sans fond, sans âme, qui vous glace. Le requin est un poisson qui ressemble aux mammifères, et c’est ça qui vous le rend aussi familier et aussi étranger.


Il existe donc en ce monde de "vrais" êtres sans scrupules, mangeurs d’hommes et qui ne s’en cachent pas, et qui n’essayent pas de paraître bons.


L’occidental veut voir ça en vrai. Craindre et dépasser la crainte. Je dis l’occidental, car dans ce même reportage, un pêcheur polynésien expliquait que cette vision des choses était difficile à comprendre pour lui. Lorsqu'il voit un poisson, il se demande, très concrètement "quand est-ce qu’on le mange ?".


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