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Liserde au Mexique #1 - Introduction

Mars 2010. Vol Air France Paris - Mexico, Distrito Federal

J'ai un projet audiovisuel. Un film documentaire pour lequel j'ai beaucoup noirci de pages sans savoir de quoi je parlais. Il a fallu que j'invente des personnes, des témoins, que je décrive des paysages où je n'ai jamais mis les pieds. Grâce à ces notes, synopsis, bouts de réel imaginaires, j'ai décroché une résidence dans un Moulin célèbre où l'on m'a encore demandé de préciser pourquoi je veux faire un film au Mexique où ne sont ni mes racines ni mes proches, où je ne suis allée qu'une fois, en touriste. Le tourisme. Tiens, le voilà peut-être le point de départ. Car j'en ai fait la pâte d'un grand nombre de productions vidéo, de performances. Ou bien c'est le Mexique le point de départ, dont je suis tombée folle amoureuse. Peut-être aussi que je pétris encore les questions de passages, de frontières et d'exils, qui émergent presque toujours malgré moi quelque part au centre ou à la périphérie de mes travaux. En regardant d'un peu haut, il y a plus simple: ce drôle de plaisir que j'éprouve à contempler les gens et en particulier l'espace en eux qui a besoin du jeu, besoin de récits pour soutenir la vie.

"Sous ses formes presque infinies, le récit est présent dans tous les temps, dans tous les lieux, dans toutes les sociétés ; le récit commence avec l’histoire même de l’humanité ; il n’y a pas, il n’y a jamais eu nulle part aucun peuple sans récit (…) le récit est là, comme la vie." Roland Barthes

Je vais maintenant plonger loin des mots, des pourquoi, des comment, des citations, des par conséquent, mais ou et donc or ni car, pour faire des repérages, sentir une matière qui trouvera en moi ses résonances sans que j'aie à les surligner, enfin.


J'ai hâte et j'ai peur. A deux heures de Mexico D.F, dans une communauté indigène que j'ai tant rêvée, s'organise une attraction touristique appelée mystérieusement caminata nocturna. Littéralement, promenade nocturne. Toute une nuit, on court dans une nature invisible et hostile ponctuée d'obstacles humains qui veulent nous racketter, nous enfermer, nous piéger, nous violer. Car nous ne sommes plus des touristes, mais des clandestins, qui veulent passer de l'autre côté. Cette mise en scène est orchestrée et incarnée par des hommes et des femmes qui ont eux-même vécu cette traversée.


Dans ce village minuscule que j'appellerai ici El Pozo, situé à mille kilomètres de l'actuelle frontière avec les Etats-Unis, réel et fiction s'entremêlent de façon ordinaire ou extraordinaire. Les frontières, floues, sont à l'extérieur et à l'intérieur des gens. C'est ça que je voudrais rencontrer. Et tout l'enjeu de ce voyage est d'entrevoir ce que je vais regarder et d'où je vais regarder lorsque je réaliserai le film. Adieu les pourquoi sans fins.


Comme Raymonde, que je remercie au passage de m'offrir cet espace, je n’aime pas voyager pour faire ce qu’il y a à faire dans un lieu divisé en étapes listées. Je n’ai pas peur de me perdre ou de perdre le temps, les vues à ne pas manquer. Mais, à l’inverse de Raymonde, je comprends la peur de perdre, je comprends ce mécanisme d'appropriation goulue des paysages et des visages croisés. Car il me semble que nous sommes, nous qui naissons dans les pays dits développés, prédisposés au tourisme. On observe ici et là des tentatives pour prouver qu’on voyage "mieux" que le voisin, mais c’est inévitable, historique, culturel. Nous abordons le monde, les autres, nous-mêmes avec les yeux d'un touriste, séparé des choses. Et cette articulation m'intrigue...


Comment vais-je m'y prendre? Que vais-je faire dans ces lieux étrangers ou personne ne m'attend?



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