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Liserde au Mexique #7 - Fièvre

Dimanche, Ixmiquilpan.

J'ai de la fièvre. Lupita et Fridita m'accompagnent chez le docteur, sous un soleil frappeur. Le trajet me parait éternel. La salle d’attente, ornée d’une trentaine de diplômes encadrés, dont certains en double, est aussi tranquille que l’infirmière. Pas de queue, d'ailleurs le docteur est occupé, nous dit-elle. Fridita a faim. L'infirmière entre et sort (pour quoi faire?), me regarde comme si j'arrivais de la lune, puis écoute ma peine avec ses deux yeux frais. Je repense à la chanson

Que bonitos ojos tienes, debajo de estas dos cejas...

Je ris, j’ai de la fièvre. Lupita décrit mes symptômes. Je fixe intensément la masse capillaire de l'infirmière qui repart encore, mais où ? Fridita tombe d’une chaise, elle s’ennuie. Je bredouille à Lupita que je peux rester seule. Me voilà avec l’infirmière compatissante qui a réapparu après un temps incertain. Ses ongles sont longs, j’ai terriblement chaud. Elle m’accompagne dans le cabinet du Docteur. Les murs sont jaunes, truffés d’affiches anatomiques anciennes et terribles. Les muscles sous les peaux sont comme des lianes, je m’assois sur le lit. A ma droite, une table de gynécologie rouillée datant des années 50 me regarde avec méfiance.


L’infirmière n’arrête plus de parler. Elle croit que je suis gringa, je lui dit que non, je suis de Paris: Ay que bonitooo! Bien sûr, elle me demande si je suis mariée. Je répond que oui. Je ne me souviens pas exactement, mais je crois que le mari que je m'invente est psychologue. Elle est épatée, me demande combien je pèse.


Et soudain elle me laisse là, thermomètre sous l’aisselle, pas fière. Longtemps. Je regarde encore les muscles et les tendons des hommes dessinés. Ils sont très blancs, ces hommes, et blonds. La pièce est douce et silencieuse. Je me souviens que je suis au Mexique.


Comme par enchantement, l’infirmière réapparait. Il faut que je dégage une fesse. Elle me fait une piqûre celle-ci fera baisser la fièvre. Pour que la piqure fasse son effet, je dois apparemment rester seule encore, bien longtemps, dans le cabinet jaune. Tous ces muscles ont des noms, comme les astres du ciel. Je m’endors, j'ai envie de courir dans les muscles.

Décidément magique, l’infirmière revient. Elle est au téléphone avec le Docteur, pauvre docteur compressé dans les embouteillages, qui lui donne des conseils. Elle m’avertit : une autre piqûre va avoir lieu. Très douloureuse. J’ai peur. Mais ses yeux frais me rassurent. Je me dis qu’au Mexique on doit apprendre aux infirmières à avoir les yeux frais. Je lui dis que je ne suis pas habituée, que dans mon pays c’est très rare les piqures. Elle s’étonne démesurément : ah bon ? Et comment vous faites alors ? Je bafouille. Elle m’injecte le produit, je hurle. J’ai froid. Elle s’excuse totalement, je veux dire avec tout son corps. Cette piqûre apparemment nécessite la compagnie des mots pour faire effet. L’infirmière reste donc avec moi cette fois-ci, me parle de la région, me montre des revues tout en envoyant des SMS au Docteur qui court dans la ville, dit-elle, pour me voir. J'imagine alors un docteur paniqué, courant entre les voitures, trempé de sueur. Elle me raconte des tas de choses, évoque grottes et liquides.


Soudain le docteur arrive, joyeux, auréoles sous les bras. Il me fait tousser, mesure mon pouls. Mes yeux s’ouvrent et ma fesse me fait mal. Il n'est pas du tout inquiet. Derrière son large bureau encombré, il me donne un tas de médicaments. Je n’ai pas assez pour le payer. C’est pas grave, revenez demain !

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